Appel à réoccuper en cas d’expulsion de la ZAD

dernière mise à jour : octobre 2012

La date de la manif n’est pas encore fixée. Elle sera discutée lors d’une assemblée générale vendredi 26 octobre à 19 h à B17 (Nantes)

(juin 2012)

L’été dernier, Vinci lançait des procédures d’expulsion contre une dizaine de maisons et espaces de résistances installé-e-s sur la zone (ZAD) sur laquelle ils espèrent construire l’aéroport. Afin de signifier clairement qu’ils ne nous feraient pas lâcher de terrain, nous lancions en septembre un appel à date ouverte à une manifestation massive de réoccupation en cas d’expulsion. Depuis, les jugements des procès à Nantes et Saint-Nazaire ont laissé des délais variés aux espaces concernés : entre 2 mois et 1 an. Certain-e-s sont expulsables depuis le 15 janvier 2012, d’autres le seront en décembre. Nous ne pouvons présumer de ce que sera la tactique et temporalité des Vinci, Ayrault, préfectures et consorts pour dégager la zone et “passer les opposants au karshër” [1], mais nous voulons rappeler que l’appel à réoccuper en masse court toujours et que nous nous y préparons activement.

Cet appel à réinstaller un espace collectif d’organisation sur la zone ne doit pas signifier que la lutte contre l’aéroport entre aujourd’hui dans une phase d’attente défensive. Les actions se poursuivent (tracto élo, dépiquetages, rassemblements, péages gratuits et “visites” de locaux et de chantiers Vinci ailleurs en France…) et des initiatives larges et manifestations hors de la zone s’annoncent pour les mois à venir. Alors que les partis éligibles sont de toute façon d’accord pour l’aéroport, il est primordial, en cette période électorale, de montrer que nous pouvons gagner dans la rue et sur la zone menacée.

Face au mouvement, la machine répressive s’emballe avec des arrestations et inculpations systématiques sur les diverses actions et manifestations publiques. Des expéditions avec des dizaines de gendarmes sont menées pour venir chercher les opposants dans les bourgs alentours et sur la zone menacée. Une série de procès est annoncée de janvier à mars. Il est nécessaire, dans ce contexte, de montrer une solidarité à une échelle large et de ne les laisser isoler personne.

En ce qui concerne la manifestation de réoccupation :

Le signal sera lancé depuis la zad suite à des expulsions des habitats et espaces d’organisation actuellement menacés.

La date exacte de la manifestation sera alors spécifiée par communiqués, affiches et tracts et sur les sites de la zad et reclaim the fields. Nous vous invitons à contribuer à leur diffusion le plus largement possible et à organiser des soirées d’infos et des déplacements groupés.

Une assemblée publique sera convoquée rapidement autour de Nantes pour faire le point sur la manif et les autres réactions possibles.

Au-delà d’une manifestation, il s’agit avant tout d’une action collective qui gagnera en puissance avec une présence longue et active du plus grand nombre de personnes possibles. Prévoir la journée et plus pour maintenir l’occupation, continuer les constructions, et en faire émerger des idées pour la suite. Tou-te-s ceux et celles qui le peuvent sont invité-e-s à arriver dès la veille. Un espace de campement et de rassemblement sera proposé.

La manifestation de réoccupation sera convoquée à 11H, le 4e samedi après les expulsions (date à confirmer sur le site de la ZAD). On invite à y amener des outils divers et variés, des bleus (ou vert on est pas sectaires) de travail, des instruments de musique, des sandwiches et de la détermination.

On appelle aussi dès maintenant à des soirées de soutien en vue de récolter un peu de sous pour la mise en place de cette action.

Pour plus d’infos guettez zad.nadir.org

A bientôt dans les rues et les champs. Des occupant-e-s de la zad + Reclaim The fields


Notre Dame des Landes – En cas d’expulsion

S’ILS NOUS EXPULSENT, ON REVIENT !

Manifestation de réoccupation pour re-semer, pour reconstruire… contre l’aéroport !

Fourches, poutres, planchettes, clous et outils en main…

RDV à 11h près de la ZAD , le 4e samedi suivant une tentative d’expulsion.

Ni ici, ni à Khimki, ni ailleurs, Vinci dégage !

DE LA MANIF D’OCCUPATION À LA RÉOCCUPATION !

Le 7 mai 2011, nous étions un millier à manifester fourche en main pour défricher ensemble une terre agricole à l’abandon. Il s’agissait d’aider à l’installation d’une ferme maraîchère, qui contribue aujourd’hui à nourrir la lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Nous nous quittions en nous engageant à défendre cette ferme et les autres espaces occupés de la ZAD, « la Zone d’Aménagement Différé » – où est prévue l’aéroport – devenue « Zone A Défendre ».

Depuis, les procédures pour vider la zone ont avancé. Des occupant-e-s de la ZAD, et Reclaim The fields, réseau de paysan-ne-s en lutte, appellent à une grande manifestation de réoccupation en cas d’expulsion et invitent tous les collectifs et groupes qui le souhaitent à soutenir cette initiative. Si le kärcher policier arrive, nous voulons être de nouveau des milliers pour donner corps aux « Vinci dégage ! » et revenir occuper la zone afin de continuer à empêcher concrètement les travaux. Cette manifestation se veut ouverte à une pluralité de formes et d’engagements.

UNE VIEILLE HISTOIRE D’AÉROPORT

À Notre-Dame-des-Landes, décideurs et bétonneurs planchent sur un nouvel aéroport pour parfaire leurs rêves voraces de métropole et d’expansion économique. Cela fait maintenant 40 ans qu’ils veulent anéantir sous le béton 2000 hectares de terres agricoles et d’habitats au nord de Nantes.

40 ANS DE LUTTES

Mais depuis les prémices de ce projet, des résistances s’organisent. Cette lutte est au carrefour d’enjeux sur lesquels s’unir, croiser des problématiques et penser des stratégies communes. À travers elle, nous combattons l’alimentation sous perfusion, la société industrielle et son réchauffement climatique, les politiques de développement économique et de contrôle du territoire, les métropoles et la normalisation des formes de vie, la privatisation du commun, le mythe de la croissance et l’illusion de participation démocratique…

Aujourd’hui comme hier, les opposant-e-s, loin de baisser les bras, poursuivent la lutte : manifestations, recours juridiques, liens avec d’autres luttes, grèves de la faim… Et sur le terrain, l’opposition prend aussi des formes variées : diffusion de journaux, péages gratuits, opposition aux forages, sabotages, perturbations des études d’impact de Biotope et des fouilles archéologiques, occupations de bureaux et de chantiers, etc…

D’ailleurs, au grand dam de l’État et de Vinci qui rachètent et détruisent pour vider la ZAD, la vie et l’activité s’y densifient et s’y diversifient depuis plus de trois ans. De nombreuses maisons laissées à l’abandon ont été réhabilitées et occupées, des cabanes ont été construites au sol et dans les arbres, des collectifs occupent des terres pour y faire du maraîchage. Des espaces de réunion, boulangerie, bibliothèque, gîte sont ouverts à tous et toutes. Ce sont plus d’une centaine de personnes qui occupent en permanence la ZAD, soutenues par de nombreuses autres du coin et d’ailleurs qui s’y rencontrent et s’y organisent. Cette présence sur le terrain permet des réactions rapides face au procesus entrepris par Vinci en vue des travaux.

ILS VEULENT VIDER LA ZONE, ON LES LAISSERA PAS FAIRE !

Vinci et l’État veulent enrayer la croissance du mouvement, et pour commencer les travaux, il faut faire place nette.

Les pro-aéroport font tout leur possible, campagnes de presse à l’appui, pour tenter de diviser le mouvement de briser les solidarités. Ils renforcent la présence policière au quotidien et la répression des initiatives collectives. Jacques Auxiette, le président de la région Pays de la Loire n’hésite par exemple pas à demander au préfet « de passer au karcher » les occupant-e-s de la ZAD. Cet appel à la répression la plus brute est sans ambiguïté, mais n’empêchera pas la poursuite de la lutte. cela ne nous empêche pas de résister, de revenir et de ressemer la révolte.

Nous gardons en mémoire les victoires passées contre les projets mégalos, du nucléaire au militaire. Comme au Carnet, à Plogoff ou au Larzac, nous savons que cet aéroport peut encore être stoppé. Nous regardons de l’autre coté des Alpes où l’opposition à la construction de la Ligne à Grande Vitesse Lyon-Turin mobilise toute une vallée, où des dizaines de milliers de personnes empêchent les travaux. Nous nous préparons pour qu’ici aussi toute tentative de bétonnage des terres leur coûte cher.

Le 24 mars, c’est près de 10 000 personnes, issues de toutes les tendances de la lutte qui se sont rassemblées à Nantes pour affirmer leur volonté d’être présent-e-s et visibles dans la métropole et ne pas laisser Jean- Marc Ayrault et les décideurs tranquilles. Mais rester présent-e-s et visibles aussi sur le terrain reste plus que jamais un enjeu important de cette lutte. Parce qu’ils veulent une zone vide, on ne les laissera pas faire. Leur rendre la tâche difficile est une réponse qui appartient à tou-te-s les opposant-e-s.

PRÉPARONS LA RÉPONSE !

N’étant pas juristes, on ne peut que se sentir impuissant-e face à des procédures administratives qui obligent chacun-e à s’en remettre aux experts. Face à leur stratégie de nous isoler les un-e-s des autres, nous choisissons de construire des solidarités.

N’étant pas soldats, il semble difficile d’imaginer comment se sentir fort-e-s ensemble le jour où le dispositif militaire viendra expulser. Face à leur stratégie de l’usure, qui nous force à rester sur le qui-vive, nous choisissons de maintenir la lutte dans l’offensive.

Nous voulons signifier que les expulsions ne seront en rien la fin de la lutte.

Nous voulons choisir et préparer le moment de la réponse.

C’est avec cette idée que depuis l’été 2011, à l’appel d’occupant-e-s et de Reclaim The Fields, une manifestation de réoccupation pour répondre aux expulsions est en préparation.

L’objectif est d’organiser ensemble un moment commun à tou-te-s les opposant-e-s, qu’illes soient d’ici ou d’ailleurs, et de se sentir lié-e-s sur le terrain. Occuper ensemble un lieu pour y construire un foyer de la lutte et faire durer cette dynamique commune. Notre intention est que ce lieu ne soit pas celui d’un groupe défini, mais un carrefour pour tou-te-s les opposant-e-s, une antenne pour organiser la résistance aux travaux à venir, autant ceux de l’aéroport que du barreau routier, première étape du projet.

C’est affirmer qu’ils ne peuvent militariser cette zone en permanence et la stériliser, et que, quels que soient leurs efforts, ils ne pourront nous empêcher de nous y réinstaller. C’est marquer la volonté commune de conserver le levier des occupations pour lutter contre le projet d’aéroport ; y garder une présence et un lieu d’organisation, continuer à mettre en place d’autres façons de lutter.

Même si nous ne pouvons savoir quand ils lâcheront la cavalerie, nous lançons aujourd’hui cet appel afin d’anticiper une réaction rapide, et massive. Nous proposons de se retrouver le quatrième samedi après expulsion – fourches, outils et poutres en main – pour reprendre les terres et reconstruire ensemble

Outre cet appel à réoccupation, d’autres initiatives sont évidemment les bienvenues : actions et message de solidarité, présence lors d’expulsions mêmes pour compliquer l’opération policière… Et d’ici là, les initiatives pour empêcher l’aéroport continuent, et la vie sur la ZAD aussi !

INFOS PRATIQUES

Guettez les infos ! Consultez régulièrement le site web http://zad.nadir.org, et d’autant plus en cas d’expulsions. La date et le lieu exact de rendez-vous seront précisés à ce moment là.

Il sera possible d’arriver la veille de la manif, pour les derniers préparatifs et échanges d’infos. Amenez de quoi camper.

On vous invite à rester sur place après la manif pour protéger les espaces réoccupés et continuer les constructions.

A l’appel de : Reclaim the Fields et d’occupant-e-s de la ZAD

Des forêts paysannes

En Guinée forestière, au sein de forêts reconstruites, des petits paysans cultivent tout un tas de produits et de services qui leur permettent une certaine autonomie. Et, n’en déplaise aux officines internationales de développement, cette autonomie sait se raconter.

“C’est le café qui accueille les arbres», déclare Siba Téro, agriculteur du petit village de Boussédou. Si le café est un des principaux revenus de la zone, les producteurs n’ont pas encore cédé aux sirènes de la monoculture intensive. Dans cette région tropicale, qui a accueilli un million de réfugiés venant du Libéria et de la Côte-d’Ivoire toute proche, les gens du coin ont construit autour de leur village des forêts paysannes en guise d’écrin pour leurs champs de café. Sans oublier d’y blottir d’autres espèces agricoles (palmier à huile, agrumes, bananes, kola), mais aussi des arbres de bois d’œuvre, des arbres fertilisants et d’autres médicinaux. « Les arbres de bois d’œuvre sont notre banque et, en plus, on peut les transmettre à nos enfants », s’enthousiasme Emmanuel, autre agriculteur de Boussédou.

Ces forêts paysannes ont l’avantage d’être polyvalentes. Un mariage, un besoin d’argent conséquent ou une maison à construire ? Si les arbres appartiennent officiellement à l’État guinéen, les paysans ont leur circuit parallèle pour revendre le bois. Le cours du café s’effondre ? Ils se focaliseront sur les fruitiers ou sur leurs cultures vivrières. Et qu’on ne les emboucane pas ! « Quand les scieries viennent au village pour couper le bois sur nos parcelles, on les renvoie directement chez eux ou on bloque leurs machines », confie, entre deux pots de vin de palme, le « président  » de Boussédou. « Ils ne peuvent pas venir comme ça ! C’est grâce à nous que ces arbres sont là : ils protègent le café, fertilisent la terre, nourrissent les hommes, nous soignent et permettent de construire nos maisons, nos meubles, nos outils… »

Mais, bien que ces forêts cultivées offrent une relative autonomie alimentaire aux habitants de Boussédou, le gouvernement guinéen a choisi de promouvoir des projets de développement de la caféiculture intensive, avec son cortège d’engrais et de pesticides… Seulement voilà, ils ont échoué ! Pour Emmanuel, « si tu gardes les arbres, les caféiers donnent moins de café mais ils sont plus résistants et moins malades ;tu auras aussi moins de travail, car avec l’ombre des arbres, les mauvaises herbes poussent moins ». Les rendements sont certes faibles, l’outillage rudimentaire, mais le redoutable paysan autonome persiste et signe : « Tu vois cet arbre ? Je ne vais pas le couper, même s’il ne me sert à rien.J’ai remarqué que deux vieux du village viennent parfois récolter son écorce pour faire leur médicament, alors je vais le laisser. »

Ces forêts paysannes, appelées « agroforêts », ont même le mérite de conserver une part de la biodiversité locale et permettraient de diminuer la pression de la coupe de bois et de la chasse au gibier ; car la région possède à proximité plusieurs réserves classées patrimoine mondial de l’Unesco…

« C’est l’Afrique à papa ! Avec la pression foncière, toutes ces agroforêts vont disparaître au profit de la monoculture intensive », prophétise un agronome français qui émargeait en Côte-d’Ivoire. Mais les locaux n’ont pas dit leur dernier mot : « Moi, je fais le riz pour faire gagner la forêt ! », lance un paysan. Une petite phrase qui veut dire beaucoup. La région est traversée par des savanes réputées impropres à l’agriculture et qui n’ont aucun statut de propriété. À grands coups de persévérance et de machette, certains jeunes y cultivent cependant du riz et, à force de combinaisons de plantes cultivées et de temps de jachère, parviennent à régénérer les sols stériles des savanes pour y implanter… des agroforêts ! Une bonne mandale dans la gueule de ceux qui crient que les paysans du Sud sont coupables de la désertification. Des études récentes sont formelles : ces joyeux zigues ont augmenté les surfaces forestières de la région en faisant progresser leurs forêts paysannes sur la savane.

À l’heure des bouffonneries de la croissance verte salvatrice, des plans de relance stalino-industriels et de Libé demandant à Cohn- Bendit s’il se voit président, il y a de quoi en prendre de la graine : cultures durables, paysannerie autonome et solidaire, conservation de la biodiversité, ingéniosité écologique… À quand l’activation d’une coopération Sud-Nord ? À quand des charters de techniciens villageois, de Boussédou et d’ailleurs, pour venir éclairer nos mornes campagnes ?

Article publié dans CQFD N°69

Luttes paysannes et luttes de banlieues : viva Oaxaca!

Unitierra (Universidad de la Tierra)  propose une critique radicale de l’éducation et met en place des cycles de réflexions et d’actions avec les communautés indiennes du Sud-est mexicain. Mais Unitierra se veut aussi une composante du mouvement social mexicain et de la révolte de la Commune de Oaxaca en 2006 (voir encadré).

Rencontre avec Gustavo Esteva, un des créateurs de cette « université » mais aussi écrivain et figure du militantisme au Mexique.

Caracol: Pourrais-tu nous expliquer brièvement l’origine et le projet politique de UniTierra (Universidad de la Tierra) ?
Gustavo Esteva: Unitierra a été créée en 1999 à Oaxaca autour d’un premier constat: l’éducation scolaire mexicaine a été pensée comme un outil pour détruire les peuples indiens. Certains villages ont fermé ces écoles et il y a eu un véritable engouement autour des nouvelles écoles autogérées par les indiens eux-mêmes. Unitierra est née par et pour les communautés rurales indiennes suite aux préoccupations de voir les jeunes de ces écoles grandir mais sans réelle légitimité «  scolaire  » .  Nous   avons   créé   alors   cette   petite  organisation que nous pensons comme une communauté d’individus qui s’autoforment mutuellement et qui luttent entre autres pour la réappropriation de la démocratie dans les communautés indiennes rurales et les quartiers populaires.

C: Tu pourrais nous en dire plus sur ce processus d’apprentissage?
GE: Nous sommes basés sur deux principes. Premièrement, « on apprend en faisant », en se confrontant à la réalité concrète et deuxièmement: le contrôle du processus d’apprentissage est entre les mains de celui qui apprend.

C: Comment est ancrée cette recherche d’autonomisation avec la vie sociale locale?
GE: Il y a tout d’abord un ancrage historique et culturel fort: 4 municipalités sur 5 se déclarent « autonomes » dans l’État de Oaxaca et elles luttent férocement pour leur autonomie sociale, économique et surtout politique. Pour citer un exemple, nous somme en train de faire des tables rondes sur la problématique de l’eau à Oaxaca dans les quartiers populaires où on se questionne sur à quoi est due la mauvaise qualité de l’eau, comment gérer et économiser l’eau à l’échelle de sa maison puis du quartier et ainsi de suite on établit ensemble de vraies propositions politiques issues de réflexions collectives intercalées d’ateliers pratiques.

C: En 2006 éclate la révolte de Oaxaca, comment Unitierra s’est inséré dans l’APPO ?
GE: Nous étions en plein cycle de travail collectif sur la production vidéo. Comme Unitierra était une des nombreuses organisations de l’APPO, il nous a semblé logique au début de filmer le mouvement social. On a ainsi créé deux sites d’informations indépendants de référence pour le mouvement et organisé de nombreux ateliers populaires de journalisme alternatif, de créations d’affiche etc. Enfin le mouvement social a vu exploser le nombre de radios communautaires pirates qui ont été de véritables outils de démocratie directe et de contre-information. On a ainsi participé depuis à la création de 25 radios rurales et à la mise en réseau à travers l’ensemble du pays de ces radios paysannes.

C: Comment se passe aujourd’hui cette jonction entre la luttes des communautés rurales et la continuité du mouvement de 2006?
GE: La particularité du mouvement de Oaxaca a été de connecter les communautés indiennes rurales et leurs pratiques autogestionnaires aux quartiers populaires. Les actions d’Unitierra sont concentrées autour de luttes qui font suite à cette connexion et au mouvement social. Premièrement, la lutte pour la régénération culturelle où on travaille autour des cultures indiennes locales ou de l’assembléisme propre aux communautés indiennes; il y a aussi la lutte pour la défense de la culture du maïs, des pratiques agricoles traditionnelles ou de réseau paysan de formation. Puis les formes de communication, à travers la constitution de radios communautaires ou encore la formation à l’audiovisuel. Enfin la lutte pour des outils « conviviaux » à travers la création collective d’outils comme les cyclo-broyeuses par exemple.

C: Les pratiques autogestionnaires traditionnelles semblent proche des idéaux de certaines organisations politiques non?
GE: Les gens d’ici veulent se gouverner eux-mêmes, avoir un gouvernement constitué d’eux-mêmes. Il y a un respect de l’autorité, à partir du moment où elle respecte le principe zapatiste d’«ordonner en obéissant au peuple». L’APPO s’est aussi abstenue de chercher à prendre le pouvoir. Plutôt que de grimper sur les chaises vides de ceux qui ont abusé du pouvoir, les organisations sociales tentent de reconstruire la société depuis le bas et de créer un nouveau type de relations sociales. Comme disent les zapatistes: changer le monde est très difficile, si ce n’est impossible. Une attitude plus pragmatique est la construction d’un monde nouveau…

//////////////////////////////   La Commune Libre de Oaxaca

De juin à novembre 2006, un vent de révolte souffle dans  l’État du Oaxaca, un état pauvre et indien du sud-est mexicain.
Un soulèvement populaire de toute la ville puis de l’ensemble de l’état mène à créer l’Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca (APPO) réunissant associations, mouvements indiens, syndicats, partis d’extrêmes gauche, libertaires etc…
La ville entière expulse le gouvernement local et se barricade durant des mois pour faire face à la répression féroce et aux milices locales. 80% des 570 municipalités rurales de la région se déclarent « autonomes » et la ville de Oaxaca expérimente via l’APPO l’auto-organisation et la démocratie directe tout en s’inspirant des pratiques autogestionnaires des communautés indiennes.
Fin octobre 2006, le président mexicain envoie 4.000 militaires et policiers au nom de l’ordre public pour réoccuper la ville. Après une trentaine de morts (dont un journaliste américain indépendant d’Indymedia), des centaines de prisonniers politiques et la destructions des barricades, « l’ordre est rétabli » mais encore aujourd’hui le mouvement continue…
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José a sticleti în cap*

* « José a un chardon dans la tête » littéralement en roumain, un expression qui signifie  « être fou »…

En politique agricole comme ailleurs, la mauvaise foi et les effets d’annonces sont légions. A peine cette ébauche de texte écrite, ne voilà-t-il pas que Dacian Ciolos, celui là même qui quelque mois auparavant déclarait que “les agriculteurs doivent être guidés par la réalité des marchés”  se voit porté aux nues par José Bové, député européen d’Europe Écologie, accompagné de Yannick Jadot et de quatre conseillers régionaux français (Ouest-France, 27/28-11-2010), de la même obédience. Mais quelle déclaration peut bien valoir autant de considération ?

Le 18 novembre, Dacian Ciolos pose les orientations agricoles pour la réforme de la PAC en 2013 comme face à un “vrai choix de société“, rien que ça… Après quelques envolées douteuses sur les activités agricoles en tant que “valeurs essentielles de la civilisation européenne“, il attaque sur les points qui lui sont chers: “pas de compétitivité durable sans une meilleure prise en compte des ressources naturelles“, nécessaires “attentes des citoyens européens” et faire-valoir d’une “croissance vigoureuse“. Oui, oui Dacian, hochent de la tête José Bové et les agro-managers agro-environnementaux.

Mais les petites exploitants ne sont pas en reste, et ils “n’ont pas dit leur dernier mot sur leur rôle dans le développement équilibré de nos territoires“. Peut être pas le dernier mais vu la tendance il n’y aura bientôt plus grand monde pour discuter… Mais les aides aux revenus seront plafonnées, c’est à dire une répartition globale des aides plus “équitable” pour les petits producteurs.

Et surtout, une prise en compte de leur rôle environnemental ! “Pensez un instant à l’impact qu’ont les millions d’agriculteurs en Europe“. Ah oui, j’y pense, surtout quand je me balade à Perros-Guirec ou que je me sirote un petit verre de bordeaux… Non, non, là, c’est du rôle positif qu’il s’agit, des “externalités positives“, pas des algues vertes ni des résidus de pesticides qui s’accommodent si bien avec les grands crus. Les milieux ouverts, les jolies fleurs des cartes postales du Parc National des Pyrénées, les marmottes, les aigles ! Tout ça est lié à l’agriculture, ça vaut bien un petit coup de main.

Et puis tant qu’à faire, favoriser “l’innovation, la modernisation, la diversification agricole et non agricole” : “Peuchère, le plouc, maintenant qu’il a acheté un nouveau tracteur à crédit, qu’il a bien intégré l’agroindustrie, ce  serait  quand  même  sympa qu’il transforme sa vieille grange toute pérave en petite chambre d’hôte, quand même!”. Mais innovation, ça rime également avec…circuits courts.

Argh, José ne tient plus, vite une tranche de Roquefort, c’est trop bon, je crois qu’on a gagné, l’Europe va mettre en place des circuits-courts… Il se dit, pour rester dans la même veine que son nouveau chouchou parlant de “civilisation européenne“, que cette position vient sûrement du fait “qu’elle émane d’un Commissaire européen originaire d’un des nouveaux États membres“, si, si, c’est connu là bas c’est encore des bouseux autonomes, même que j’ai vu un film où ils jouent super bien du cymbalum.

Dacian ne précise pas à José que quand même, tout roumain qu’il est, lorsqu’il était ministre de l’agriculture soutenu par le Partidul Democrat Liberal, (Parti Populaire Européen, centre droit), la tendance était plutôt à court-circuiter les petites exploitations qu’à les transformer en modèle de circuits-courts (la moitié des éleveurs roumains disparaissant à terme depuis leur entrée dans l’UE) et que non, il ne joue pas de la musique tzigane.

Qu’à cela ne tienne…Malgré quelques considérations perplexes sur les véritables intentions de ce commissaire (“Comment lutter au niveau international contre la spéculation sur les marchés de matières premières agricoles et garantir le droit à la souveraineté alimentaire ?“), ce n’est pas trop tôt semblent se réjouir Bové et consorts.

Mais peut être est-ce, d’une, trop tard, et de deux, un triste constat, où il faut arriver aux préoccupations environnementales, de diversification “non agricole” (sic) pour qu’on se soucie du “dernier mot” de l’agriculture européenne, sans remettre en cause les raisons de sa disparition.

D’après un discours de Dacian Ciolos,  commissaire européen à l’agriculture et un texte de José Bové.

Edito #0

« Caracol»  c’est le nom donné aux communauté rurales zapatistes,
« Caracol»  c’est l’escargot, symbole de la lenteur dans un monde qui prône la vitesse et la performance,
« Caracol»  c’est la spirale qui va du centre jusqu’à l’extérieur, jusqu’à l’autre,
« Caracol» pour caracoler (avancer par petits bonds dixit Petit Robert)  vers l’autonomisation, vers des pratiques (de vie, de lutte, de production)  autogestionnaires et collectives.

Mais pourquoi écrire Caracol ? Peut-être pour donner un support à des alternatives qui enchantent, pour attiser des réflexions que l’on ne trouve ni dans les mass medias, ni les bulletins des organisations agricoles, pour faire part d’autres voies que celles de garage… L’urgente nécessité d’opposer à nos lieux de vie, aménagés, gérés, aseptisés,  spécialisés un imaginaire tangible, hors des zones industrielles, artisanales, commer-ciales, des aménagements  concertés .

Nous sommes de plus en plus à bricoler des bouts d’autonomie pour se réapproprier nos vies et quelques lopins de terre que ce soit dans les arrières-pays ou près des villes. Jardins urbains, squat de terres, réseau de fermes, circuits-courts paysans, sont autant d’initiatives qui nous permettent  de réinventer et de repenser l’agriculture paysanne comme progrès social, de décloisonner le rural et l’urbain, de se libérer des contraintes du temps et des comportements consuméristes qui nous submergent.

Caracol se veut un journal artisanal, parsemés d’erreurs et d’imprécisions, qui souhaite (re)mettre au cœur  du mouvement social la question de l’agriculture paysanne, de l’autonomisation alimentaire mais aussi du projet politique que peuvent porter les campagnes pour interroger nos réflexions, nos luttes, nos utopies.